... En Suisse by Théophile Gautier

... En Suisse by Théophile Gautier

Auteur:Théophile Gautier [Gautier, Théophile]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Récits de voyage/Suisse
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2015-10-22T04:00:00+00:00


III

La soirée se passa à faire des projets d’excursion pour le lendemain. On arrêta qu’on monterait à la Pierre pointue, d’où l’on voit tout en plein le glacier des Bossons. Le maître de l’hôtel fit prévenir les guides de se trouver de bon matin devant la porte de l’Union avec leurs mulets tout sellés. En se promenant par Chamonix, après avoir regardé au vitrage des marchands de curiosités les ours, les chamois et les bonshommes sculptés en bois, les photographies des vues de Suisse et les panoramas coloriés du mont Blanc, nos voyageuses avisèrent une boutique de cordonnier fabriquant des souliers et des brodequins pour les ascensions des montagnes ; car, dans ces rudes sentiers, les mignons chefs-d’œuvre de Chapelle et de Molière ne sont plus de mise, ils se déchireraient au choc du premier caillou et s’ouvriraient à l’angle du premier glaçon. Ce sont de fortes chaussures, en cuir écru, avec des semelles épaisses, étoilées de clous, se laçant par une aiguillette, et très souples, malgré leur apparence grossière. On les graisse avec du saindoux ; c’est la manière de les cirer. La difficulté fut de trouver parmi l’assortiment une paire de brodequins assez petits, assez étroits, assez cambrés pour botter deux pieds charmants, habitués aux chaussures de satin, et que Vienne, Paris, Londres et Saint-Pétersbourg ont applaudis avec enthousiasme(8). Des brodequins d’enfant firent à peu près l’affaire. La chaussure est une chose importante dans les expéditions alpestres ; même quand on ne voyage pas en piéton, il y a toujours des passages pénibles ou dangereux où il vaut mieux descendre de son mulet et marcher sur les pas de son guide en s’étayant du bâton ferré. Les pieds délicats se blessent facilement, et on lit en tête de l’excellent Itinéraire de la Suisse, d’Adolphe Joanne, ce sage conseil : « Percer ses ampoules avec un fil au lieu de les couper. » Avec ces cnémides rustiques, nos compagnes de voyage n’avaient rien à craindre.

À sept heures du matin, les mulets étaient rangés devant le perron de l’hôtel, tenus en bride par leurs conducteurs. Il leur manquait ce luxe de harnachement, cette folie d’aigrettes, de pompons, de fanfreluches et de grelots des mules d’Espagne ; on ne voyait pas sur leur dos de belles capes de muestia rayées de couleurs vives d’un si joli effet pittoresque. Ils étaient bâtés de bonnes vieilles selles de cuir brun à dossier ajusté pour les femmes, solides, malgré leur air de délabrement. Nous sommes étonné de cette absence de coquetterie dans l’ajustement de bêtes destinées à des courses de plaisir et montées par des gens qui ne regardent pas à la dépense.

Un garçon d’hôtel approcha le marchepied qui sert à se hisser sur les mulets ; les étriers furent mis au point, les sangles resserrées, les plis de jupe étalés convenablement, les capes imperméables et les châles fixés par des courroies sur le portemanteau, et, tous ces préparatifs terminés, la petite caravane, composée de six mulets et de six guides, se mit en marche, déplaçant les groupes de curieux qui la regardaient partir.



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